Cette série s’est construite sur la route, alors que je me trouvais dans une errance géographique qui m’a amenée à voyager. Touchée par l’importance des origines, j’ai profité de cette mobilité pour poser une question aux personnes rencontrées : « D’où viens-tu ? ». À travers cette interrogation, je pointe à la fois l’élaboration de notre identité et notre faculté à faire du lieu où nous habitons un chez soi intime par appropriation. À la suite de cette discussion, je propose à mon interlocuteur de se prendre au jeu d’une mise en scène photographique dans laquelle la carte se fait masque. Celle-ci est sélectionnée parce qu’elle désigne le territoire familier au sein duquel la personne a grandi et qui important du point de vue de sa construction (sans nécessairement être son lieu de naissance). Puis, je demande au modèle de choisir, d’une part un espace de vie actuel qui lui plaît, dans lequel il se sent bien et qui devient décor de la prise de vue — l’effet décor et mise en scène fonctionne d’autant mieux que les couleurs de ces lieux sont souvent saturées ou criardes. Et d’autre part, je lui laisse la liberté de la pose. Il en résulte des situations absurdes, qui déclenchent le sourire. Alors même que j’interviens sur différents territoires, les décors semblent issus d’une même zone géographique plutôt modeste : lotissements, bâtiments en briquettes rouges, zones industrielles. Il s’agit de paysages que je traverse et dans lequel je vois une forme de beauté tant il me semble plus aisé de se les approprier qu’un paysage beau par essence. Ils ne sont pas sans faire écho à mon parcours de vie, à la recherche de mon propre chemin toujours accompagnée de ces cartes. Le cadrage est pensé de sorte que la carte forme un cadre dans le cadre, comme une fenêtre sur le passé. Je fabrique un anachronisme visuel ; une réconciliation entre des origines parfois compliquées et un présent dompté.