Trois petits points

Résidence à la cour des arts à Tulle

Anouck Everaere s’intéresse aux personnes dans leur diversité, leur multiplicité et leur complexité. Durant les 8 semaines (échelonnées sur 9 mois) qu’elle a passé à Tulle, elle s’est plongée dans l’histoire contemporaine et ancienne de la ville, elle s’est aventurée dans ses différents quartiers et elle a essayé de comprendre les liens humains qui se jouent à travers cette idée de la transmission du Poinct de Tulle. 

Chaque nouvelle résidence d’artiste, vécue au rythme du travail dentellier, commence par la découverte de la technique et de son histoire, et par la rencontre avec ses praticiennes et ses fidèles. Un petit émerveillement. Anouck s’enthousiasme. Son regard vif, saisissant vite les réalités, se fait investigateur. 

Son engagement l’a portée à interroger, micro en main, les dentellières sur cette difficile étape de la transmission d’un savoir-faire local rare, à tout moment en danger de dispa- rition. Leur positionnement se situe à la jonction du strict respect d’une technique et de la liberté qu’offre la déclinaison des points et de leurs motifs. L’œuvre protéiforme qu’offre Anouck Everaere se situe sur ce chemin étroit. 

Le projet de la photographe bouscule un peu les habitudes : c’est sans doute ce qu’elle cherche en réalisant des portraits exigeant une appropriation. 

Pour ces portraits, elle a imaginé un dispositif simple. Elle a installé un studio de campagne comprenant un drapé noir en avant duquel ses modèles sont venus prendre des poses choisies, renvoyant à l’histoire de l’art du portrait. La commande pour chacune et chacun étant d’inventer un ouvrage de dentelle qui vienne se superposer et jouer avec son propre visage. Les styles s’entrecroisent, se juxtaposent, se combinent ou parfois s’opposent. 

Sur ses photographies en clair-obscure, le fil contraste, et à la manière d’un bijou de bronze sur une peau africaine, la dentelle au Poinct de Tulle s’exprime ici comme un marqueur d’identité. Trop rare aujourd’hui pour être un signe ostentatoire de richesse ou une preuve de réussite sociale, le Poinct de Tulle révèle une appartenance. 

L’histoire du portrait et du vêtement nous montre qu’hommes et femmes ont porté indifféremment des accessoires et ornements de dentelle. 

Mais ce n’est que par clin d’œil que ses portraits peuvent faire songer à ceux de ces notables des siècles passés, ornés de coûteuses frivolités venues de Chantilly, de Venise, de Tulle ou d’ailleurs. 

Le travail avec les dentellières

Observant les unes et les autres, semaine après semaine, la photographe questionne. Anouck Everaere est exigeante dans la rencontre, elle pointe les fragilités, provoque parfois, pour toujours chercher à comprendre, quitte à se mettre dans des situations inconfortables. 

Ces histoires humaines sont faites d’échanges et de la fréquentation d’un groupe social. L’atelier est une microsociété où l’habileté est recherchée et où chacun et chacune apprend de l’autre. C’est toujours ainsi lors des résidences. Au temps long de la réalisation des dentelles de Tulle, fait écho le temps long de l’apprivoisement. Chaque partie a sa rigueur, ses valeurs, ses raisons de faire, ses points de tension. Anouck surmonte, temporise, espère, jusqu’à l’aboutissement. 

Photographe documentaire et femme engagée, elle est venue à Tulle, et c’est ici, parmi nos proches, qu’elle a photographié celles et ceux qui ont accepté de porter la dentelle pour l’occasion et tout naturellement. 

Sylvie et Didier Christophe 

La Cour des Arts 

COUVERTURE
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Mathieu
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Robin
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Alex
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Jamal
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Héloïse
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Marie
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Jade
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cyanotype
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