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Le travail d’Anouck Everaere, c’est une porte ouverte sur cette France un brin décalée, planquée, méconnue, plus proche d’une gare de TER que de celle d’un TGV. Parfois c’est même un autocar qui s’y arrête. Anouck Everaere, 30 ans, a choisi Lussas, en Ardèche, pour poser ses bagages. Lussas : 1 129 habitants au dernier recensement. 

Née à Lille, Anouck Everaere a grandi dans le nord de l’Isère, « dans une ville nouvelle, au sein d’un lotissement, entre zone industrielle, prison et HLM ». Avec son premier boîtier, reçu en cadeau dans ses années de lycée, elle shoote ses amis, la vie nocturne, la fête... tout ce qui permet de s’évader d’un environnement où elle a vite compris la signification du mot « mélancolie ». 

Après son bac, Anouck Everaere s’inscrit à l’Atelier Magenta du photographe Dominique Sudre, à Villeurbanne. Là, elle décroche son CAP photo. Ce qui l’a le plus marquée durant cet apprentissage ? « Le côté brut du négatif, sa réceptivité chimique et le temps passé au laboratoire. » Une fois diplômée, elle s’interroge : « J’ai à peine 18 ans et je me demande comment faire pour devenir photographe sans la moindre connexion dans le secteur culturel. »  Alors direction les Beaux-Arts de Montpellier. Elle va y rester deux ans, même si l’enseignement ne lui convient pas. Trop de théorie et d’a priori. Elle, son moteur, c’est « la pratique liée aux expériences, à l’immersion ». Elle va ainsi vivre au sein d’une communauté punk, dans un squat montpelliérain : « Je les photographiais la nuit et, le jour, je développais au labo des Beaux-Arts. » Une série en noir et blanc qu’elle n’a encore jamais exposée, ni même montrée. La suite : des petits boulots à travers la France et une année à l’École de photographie et d’images Bloo, à Lyon. Là, elle rencontre le photographe Gilles Verneret et comprend qu’elle veut donner à sa pratique « une approche documentaire sensible ». C’est le début de ses premières expositions. Puis, au hasard de la projection d’un film consacré à l’École documentaire de Lussas, elle décide de postuler dans cet établissement. « Je suis arrivée en 2017 au village documentaire, comme on dit à Lussas et j’y suis restée. » 

Anouck Everaere accompagne des projets de films ou autres masterclass de réalisateurs. Elle anime aussi des ateliers d’éducation à l’image dans les écoles et en Ehpad. Ce qui lui permet, en parallèle, de nourrir et mener ses projets photos aux longs cours. « Je suis très attachée à chercher une poésie dans les petites choses du quotidien. Les enfants n’ont rien perdu de ça. Je les observe dans les ateliers que j’anime. Je les vois évoluer, s’émerveiller au fil des séances, au fur et à mesure qu’ils découvrent le dispositif et le pouvoir des images. » 

Actuellement, elle suit une équipe féminine de rugby, enquête sur la contraception masculine, s’intéresse aux jeunes qui vivent à la campagne... Elle photographie aussi pour Libération.


Entretien d’Anne Eveillard pour le webzine 1 Epok formidable